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SENEGAL De pays de dialogue à pays d’histoires

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SENEGAL
De pays de dialogue à pays d’histoires

Réputés être des adeptes du consensus, pourquoi les Sénégalais ne parviennent-ils pas à s’entendre sur l’essentiel ? Qui plus est dans des domaines qui nécessitent souvent, l’adhésion de tous. Chose d’autant plus incompréhensible que nos traditions, nos valeurs, nos aînés nous avaient prédisposés à une gestion intelligente des contradictions, qu’elles soient sociales, politiques, ou de tout autre ordre, ce qui permettait de désamorcer les conflits en latence.

Par El Hassane SALL

Au Sénégal, les grands guides religieux ont toujours fait preuve d’une grande sérénité et d’un grand attachement aux principes fondateurs de notre Nation. Et l’exemple le plus illustratif est la relation qui unissait Serigne Fallou Mbacké à Léopold Sedar Senghor le premier président du Sénégal. Interpellé en ces termes par un journaliste « on dit qu’au Sénégal que le Khalife des mourides est le supporter numéro 1 de Senghor, or c’est étrange un Khalife musulman supporter d’un président catholique », Serigne Fallou Mbacké avait eu cette réponse pleine de sagesse : « la politique ne se mêle pas à la religion, je suis musulman, je suis le chef de la plus grande confrérie musulmane en Afrique noire et le président Senghor est catholique. Mais je ne m’intéresse pas au président Senghor parce qu’il est catholique mais je m’intéresse à lui surtout parce que je pense que dans le domaine de la conduite des affaires publiques, le président Senghor est le plus apte, le plus capable ; et pour moi les intérêts supérieurs du Sénégal sont au-dessus de toute considération. Évidemment nous n’allons pas demander au président Senghor de diriger les affaires spirituelles des musulmans. Ce qu’on demande au président Senghor, ce n’est pas sa religion, c’est de conduire le Sénégal sur la voie du progrès, de la paix et de la liberté. Et surtout, tout cela dans le respect des valeurs traditionnelles et spirituelles. » Cet exemple à lui seul suffit pour montrer comment les anciens savaient faire preuve de dépassement et d’intelligence, transcender leur différence pour se réunir autour de l’essentiel qui est notre commun vouloir de vie commune. ​Mais tel ne semble plus être le cas de nos jours dans ce Sénégal dont le président Senghor aimait à dire qu’il est un pays de dialogue car il est en train de se muer en pays d’histoires. Ce beau pays, surnommé pays de la téranga du fait de l’hospitalité des Sénégalais, de la cohabitation harmonieuse entre ethnies, religions etc. est devenu aujourd’hui un pays de polémiques, où la tolérance qui caractérisait ses habitants est en train de laisser la place à une intolérance grandissante. On a de nos jours du mal à reconnaître ce pays, tellement tout ce qui fondait notre commun vouloir de vie commune est en train de céder la place à une polémique destructrice. Et ce qui fait le plus mal est que si cette polémique portait sur des choses d’intérêt national comme la gestion des ressources naturelles ou autre on aurait compris mais c’est une affaire de viol supposé qui est en train de diviser le pays en deux. Certes la scène politique a été de tout temps marquée par des confrontations dont certaines ont été violentes, mais aussi par des débats axés principalement sur des visions, des programmes, des idées et sur des approches méthodologiques et opérationnelles. Les divergences entre le Président Senghor et ses adversaires politiques, notamment le professeur Cheikh Anta Diop portaient essentiellement sur leur vision de l’Afrique et du Sénégal en particulier. Leurs antagonismes portaient sur des programmes de développement, à partir de leur idéologie. Mais aujourd’hui ce qui fait débat dans le pays, ce n’est plus une question de vision mais c’est une affaire d’ébats devenue une affaire d’Etat qui met le Sénégal dans tous ses états. Ce qui est dommage est qu’elle aurait pu être stoppée à temps par le pouvoir dès lors que la synthèse des différentes auditions rendues publiques discréditaient la thèse du viol. Cela aurait évité tous les morts et les dégâts que cette affaire a engendré, il aurait seulement suffit que le pouvoir anticipe sur les évènements en classant tout bonnement cette affaire qui a terni gravement l’image de ce pays jadis respecté pour la qualité du débat de ses intellectuels qui faisaient la fierté du continent. Aujourd’hui, malheureusement force est de constater pour le déplorer, ça va dans tous les sens et les équilibres qui maintenaient le Sénégal debout sont en train de se fragiliser. Faut-il, comme disait le psychologue Serigne Mor Mbaye organiser un « ndeup national » ou « laver le pays en grande eau » comme le suggérait Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Makhtoum ? En tout cas il y a problème et les autorités ont l’impérieux devoir de trouver la bonne formule pour éloigner les démons de la division. Comme le faisait remarquer Mamadou Dia : « Notre société politique et civile connaît une profonde crise des valeurs. Elle a besoin que des voix s’élèvent, celles des patriarches modernes pour procéder aux mises en garde nécessaires et rappeler ses fondements afin que le grain ne meure, afin que le village ne brûle et ne soit bientôt que cendres sur lesquelles des générations de désœuvrés n’auront plus qu’à pleurer. »

SOURCE : TRIBUNE


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