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Coup d’œil dans le rétroviseur : Réflexion sur le thème de l’édition 2023 de la Journée internationale des Femmes (JIF)

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Coup d’œil dans le rétroviseur :

Réflexion sur le thème de l’édition 2023 de la

Journée internationale des Femmes (JIF)

 

Par Dieynaba SARR

Le thème de l’édition 2023 de la JIF célébrée le 08 mars souligne le rôle que les technologies innovantes jouent dans la promotion de l’égalité des sexes et dans la satisfaction des besoins des femmes et des jeunes filles en matière de santé et de développement.

Voilà, pour nous, une belle occasion d’explorer l’impact de l’écart entre les sexes dans le numérique sur l’élargissement des inégalités économiques et sociales. Il en ressort la nécessité de protéger les droits des femmes et des filles dans les espaces numériques et de s’attaquer à la violence basée sur le genre en ligne et facilitée par les TIC.

A l’entame de ces propos, il est important de faire relever que, depuis les balbutiements de l’informatique jusqu’à l’ère actuelle de la réalité virtuelle et de l’intelligence artificielle, les femmes ont apporté un nombre incalculable de contributions au monde numérique dans lequel nous évoluons de plus en plus.

Cependant, l’écosystème digital n’est pas encore un cadre d’épanouissement de la gent féminine d’où le regrettable constat qui s’en dégage, de même que les nécessaires actions requises et inscrites en plaidoyer.

Femmes dans le digital : un regrettable constat

Il suffit de jeter un œil sur les derniers chiffres disponibles. Selon le collectif français Femmes@numérique, les femmes n’occupent pas plus de 30% des postes dans le digital et moins de 15% d’entre elles le font sur des fonctions à fortes responsabilités. En matière d’entreprenariat pur, la propension est encore plus faible puisque seulement 8% d’entre elles sont des fondateurs de startups.

Alors que la digitalisation des entreprises est déjà bien amorcée, il est pertinent que les entreprises revoient dès à présent leur copie, la prochaine décennie étant le moment idéal pour le faire. En effet, selon une étude de Pôle Emploi, 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui et ils seront presque intégralement tous liés, de près

ou de loin, au digital. C’est l’occasion de réajuster la parité dans ce secteur et de comprendre en quoi les femmes constituent une opportunité dans ce domaine pour les entreprises.

Haro sur les stéréotypes autour de certains métiers

Elon Musk, Jack Ma, Bill Gates, Mark Zuckerberg… Lorsqu’on évoque les grands noms de la tech, ce sont principalement des noms d’hommes qui viennent naturellement à l’esprit, comme si les nouvelles technologies étaient une sorte de « boys’ club ». Et pourtant, Susan Wojcicki est la CEO monde de YouTube, Ginni Rometty fut la PDG d’IBM de 2012 à 2020, ou encore, Lucy Peng est présidente exécutive de Lazada, la plus grande fintech au monde. Plus méconnus du grand public, ces grands noms féminins du numérique sont pourtant des papesses dans leur domaine.

Il existe clairement un biais médiatique autour des femmes dans le digital. Pourtant, si l’on remonte aux prémices de ce secteur, la place, médiatique et réelle, des femmes était tout autre. Dans les années 70-80, elles représentaient environ 40% des effectifs dans les filières informatiques. Que s’est-il passé par la suite ? L’essayiste américaine Claire L. Evans, auteur du livre Broad BandThe Untold story of the women who made the Internet (2018), a sa petite idée sur le sujet.Selon elle, « à la fin des années 90, quand l’informatique et le numérique ont pris de la valeur et qu’on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup d’argent en jeu, c’est là qu’on a vu les femmes quitter progressivement le terrain. Non par choix, mais parce que les hommes voulaient absolument ces métiers, réalisant qu’ils pouvaient y revendiquer un statut particulier. »

A partir de là, la société a construit la fameuse figure du « geek » solitaire et masculin. Si bien qu’à la source – la formation – les femmes s’autocensurent et se tournent moins vers certaines filières. Ce phénomène débute tôt, dès le lycée, puisque près de 80% des élèves en Terminale L sont des filles. Dans l’inconscient collectif, les formations technologiques et scientifiques étant considérées comme des voies d’insertions professionnelles plutôt masculines. Par la suite, le problème ne s’arrange pas puisque selon le syndicat Numeum, les filières de formation au numérique post-bac sont composées d’hommes à 90 %.

Ensemble, pour une représentativité quantitative et qualitative féminine dans l’écosystème digital !

La famille, l’orientation au lycée et l’information sur la poursuite d’études en enseignement supérieur : des leviers clés

Prenons pour exemple, une étude de Ipsos de novembre 2021. Seules 37% des filles envisagent de s’orienter vers une école d’informatique ou d’ingénieur, contre 66% des garçons, selon cette étude réalisée auprès de lycéens et de leurs parents. Et ce n’est pas par manque d’intérêt. En effet, 54% des lycéennes sont intéressées par les matières scientifiques en général, et 56% par l’informatique/le numérique, précise l’étude. Mais « ces formations sont mal connues, notamment des filles : 29% seulement d’entre elles connaissent bien le contenu de la formation en école d’informatique (contre 46%

des garçons), et 24% le métier d’expert informatique (contre 36% des garçons), et ce même lorsqu’elles s’intéressent au secteur », indique les auteurs. Ce qui est encore plus surprenant c’est que « seulement 33% des filles sont encouragées par leurs parents à s’orienter vers les métiers du numérique, contre 61% des garçons, or les parents sont les principaux prescripteurs en matière d’orientation ».

L’étude confirme pourtant que fille ou garçon, il n’y a pas de différence concernant la perception positive de ces métiers : aussi bien les filles que les garçons considèrent qu’il s’agit de métiers d’avenir et bien rémunérés. La cause de cette désaffection viendrait donc en partie du fait que les filles sont moins exposées à des discours positifs sur ces métiers. La solution est de faire intervenir des professionnelles dans les classes, et donner davantage envie aux filles d’embrasser une carrière dans ces secteurs. Enfin, l’étude précise que les filles sont beaucoup plus sévères avec elles-mêmes quand elles jugent leur niveau, et ayant fait des choix de spécialisation différents, les filles sont beaucoup moins nombreuses que les garçons à estimer avoir le niveau pour suivre après le Bac une filière technique, et ce même quand elles ont de très bonnes notes en sciences. Or, les lycéennes se disent majoritairement intéressées par les matières scientifiques (54%) et l’informatique et le numérique (56%).

Les auteurs de l’étude indiquent que « moins informées sur ces métiers, moins encouragées à les choisir, les jeunes filles sont moins exposées à un discours positif sur les écoles d’informatique et les métiers du numérique : 46% d’entre elles considèrent que leurs parents ont un discours positif à cet égard (contre 57% des garçons), 44% sont sensibilisés par leurs amis (55% côté garçons) ou encore 44% de la part de leurs professeurs (contre 53% pour les garçons). »

Mobiliser l’ensemble de la société pour briser ce plafond de verre

Fort heureusement, les mentalités commencent à évoluer, doucement mais sûrement, en France. On voit notamment fleurir de nombreux réseaux qui tentent de promouvoir les métiers du digital aux femmes comme Women In Technology ou encore Femme du Numérique, pour ne citer qu’eux. Des initiatives qui sensibilisent les femmes dès le collège et tout au long de leurs carrières, mais pas que !

En effet, il faut fédérer large pour faire bouger les lignes, le chantier doit être l’affaire de tous, à la fois les parents, les enseignants, les conseillers d’orientations, les managers, les DRH… L’évolution de la culture organisationnelle des entreprises du numérique n’a pas pour but que de servir les femmes dans une quête binaire d’inclusivité. L’enjeu est double, à la fois économique et sociétal.

En 2018, l’étude Women in the Workplace du cabinet McKinsey avançait que le top 3 des soft skills les plus attendus désormais en entreprise sont l’ouverture et l’adaptabilité, la propension à faire progresser ses collaborateurs et la faculté à créer des relations bienveillantes. Trois compétences qui sont, toujours selon l’étude, plutôt perçues comme « féminines ».

Enfin, dans une société où le digital impacte tous les interstices de notre quotidien, il apparaît hasardeux voire périlleux de ne laisser qu’aux hommes le pouvoir de penser, développer et interpréter les biens et les services du numérique.

Ainsi, il faut plus de femmes dans le numérique, car elles pensent les services et les besoins différemment. Si les femmes entreprennent souvent en partant d’un besoin, d’un manque observé dans la vie quotidienne, les hommes s’appuient davantage sur des conjonctures opportunes de marchés. Ces deux façons d’entreprendre sont intéressantes et complémentaires.

Cette nécessité de parité se pose également en matière d’intelligence artificielle, puisqu’un algorithme ne sera pas conçu et interprété de la même manière par une femme et un homme.

Autant pour les entreprises, que pour la société, que pour elles-mêmes, il devient essentiel que les femmes prennent en marche le train du digital et qu’elles soient présentes à des postes de responsabilités. La sensibilisation et la formation sont les deux meilleures armes pour qu’elles y parviennent.

En outre, il est amplement prouvé qu’investir dans l’amélioration de la condition des femmes est le moyen le plus efficace de relever les communautés, les entreprises et même les pays. Les pays dans lesquels les femmes sont traitées sur un pied d’égalité avec les hommes jouissent d’une meilleure croissance économique.

Engagement de l’OMI en faveur d’un accès des femmes à la formation et aux emplois dans le secteur maritime

Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 1,2 % de la main-d’œuvre mondiale des gens de mer, d’après le rapport de 2021 publié par BIMCO et l’ICS sur les effectifs de gens de mer (Seafarer Workforce Report, 2021). Cela représente une tendance positive en matière d’équilibre entre les sexes, le rapport estimant à 24 059 le nombre de femmes servant en tant que gens de mer, soit une augmentation de 45,8 % par rapport aux données de 2015.

Dans ce secteur historiquement dominé par les hommes, l’Organisation maritime internationale (OMI) a déployé des efforts concertés pour encourager le secteur à aller de l’avant et pour accroître la place faite aux femmes, conformément aux attentes du 21e siècle.

Dans le cadre du développement maritime, et par l’intermédiaire de son programme sur les femmes du secteur maritime qui a pour thème « Formation, Visibilité, Reconnaissance », l’OMI a adopté une approche stratégique visant à améliorer la contribution des femmes en tant que parties prenantes clés du secteur maritime. L’OMI continue d’apporter son appui aux femmes pour ce qui concerne leur accession aux emplois exercés à terre et à bord des navires.

L’OMI est déterminée à aider ses États Membres à réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 de l’ONU et ses 17 Objectifs de développement

durable (ODD), notamment l’ODD 5 : « Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ».

Le Programme de l’OMI en faveur de l’égalité des sexes a été lancé en 1988. À l’époque, seuls quelques instituts de formation maritime ouvraient leurs portes aux élèves de sexe féminin. Depuis lors, le programme de l’OMI en faveur de l’égalité des sexes et relatif au renforcement des capacités a contribué à mettre en place un cadre institutionnel pour intégrer la dimension de l’égalité des sexes dans les politiques et procédures de l’OMI. Cela a favorisé l’accès des femmes à la formation et aux emplois dans le secteur maritime.

L’OMI agit en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes par l’intermédiaire de bourses d’études spécifiquement adressées aux femmes ; en leur permettant d’accéder plus facilement à des formations techniques de haut niveau dans le secteur maritime de pays en développement ; en créant un environnement qui permet notamment de désigner et de sélectionner des femmes à qui offrir des possibilités de promotion professionnelle dans les administrations maritimes, les ports et les établissements de formation maritime ; et en soutenant la mise en place d’associations professionnelles de femmes du secteur maritime, en particulier dans les pays en développement.

08 mars : une célébration, une prise de conscience, de l’action !

La Journée internationale des femmes édition 2023 a vécu. Au Sénégal, en Afrique et hors du continent, comme chaque année, elle a été célébrée, loin d’être une fête, elle nous engage ou, du moins, doit nous engager à agir. 

Agir pour soutenir les femmes qui revendiquent leurs droits fondamentaux et en paient le prix fort. Agir pour renforcer la protection contre l’exploitation et les atteintes sexuelles. Agir pour accélérer la pleine participation et le leadership des femmes.

Les établissements sont invités à inscrire cette problématique dans leur règlement intérieur et à mettre en place, dans le cadre des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté, des actions de sensibilisation et de formation dédiées.

Dans le même temps, les technologies numériques offrent de nouvelles perspectives pour l’autonomisation au niveau mondial des femmes, des filles et d’autres groupes marginalisés. De l’apprentissage numérique tenant compte des questions de genre aux soins de santé sexuelle et reproductive facilités par la technologie, l’ère numérique représente une occasion unique d’éliminer toutes les formes de disparité et d’inégalité.

Ainsi, il plaît de clore ce plaidoyer en souhaitant plus de représentation des femmes dans le secteur des TIC qui reste à les valoriser davantage et constitue un obstacle à leur participation à la conception et à la gouvernance des technologies. Il faut également pallier l’absence de recours juridique concernant la menace omniprésente de la violence

en ligne fondée sur le genre qui contraint, trop souvent, les femmes à quitter les espaces numériques qu’elles occupent.

Un mois après sa célébration en 2023, en harmonie avec le thème de cette édition, nous appelons les gouvernements, les activistes et le secteur privé à intensifier leurs efforts pour rendre le monde numérique plus sûr, plus inclusif et plus équitable. Face à la multiplicité des crises mondiales, nous avons une chance de créer un avenir meilleur, non seulement pour les femmes et les filles, mais aussi pour toute l’humanité et la vie sur Terre. 

Dieynaba SARR est juriste et écrivaine, spécialisée en relations internationales. Cette double lauréate du Concours général sénégalais (2006 et 2007) travaille à l’Agence nationale des Affaires maritimes (ANAM) depuis 2013 et y occupe actuellement le poste de Chef de Division Veille réglementaire et Contentieux.
Elle est l’auteure de l’essai de géopolitique La politique africaine de la France : entre Rupture et Continuité (ed. harmattan, septembre 2017), du récit CONVICTIONS (ed. harmattan, octobre 2019) et co-auteur de l’essai Sen Njaxas Cocktail citoyen Contribution du G8 pour un Sénégal différent (juillet 2018)


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