ANNONCE D’ENQUETES JUDICIAIRES APRES LES VIOLENTES MANIFESTATIONS L’Etat ira-t-il jusqu’au bout ?
ANNONCE D’ENQUETES JUDICIAIRES APRES LES VIOLENTES MANIFESTATIONS
L’Etat ira-t-il jusqu’au bout ?
Le président de la République, Macky Sall, a demandé « l’ouverture d’enquêtes judiciaires immédiates et systématiques pour faire la lumière sur les responsabilités » liées aux manifestations qui ont secoué plusieurs villes du pays après l’énoncé du verdict condamnant Ousmane Sonko à « deux ans de prison pour corruption de jeunesse. » Seulement la question qui s’impose est de savoir si l’Etat ira jusqu’au bout, car après les émeutes du mois de mars 2021, le gouvernement avait promis de mettre sur pied une commission d’enquête « indépendante et impartiale » pour faire la lumière. Mais deux ans après, les responsabilités des uns et des autres ne sont toujours pas encore situées.
Par El Hassane SALL
Après les violentes émeutes du mois de mars 2021 qui avaient causé la mort de 13 personnes selon le bilan officiel et des dégâts matériels incommensurables qui se chiffraient à des milliards, le chef de l’Etat avait déclaré que « ce qui s’est passé ne se reproduira plus. » Ainsi avait-il promis la mise sur pied d’une commission d’enquête « indépendante et impartiale » pour faire la lumière sur ces manifestations qui avaient secoué le pays début mars. Le gouvernement en avait fait l’annonce le jeudi 8 avril et avait présenté son bilan des événements. « Rétablir la vérité et situer les responsabilités » après les manifestations, tels étaient les objectifs visés par cette commission d’enquête annoncée dans une volonté d’« apaisement » selon le gouvernement. « C’est une commission ouverte et les membres de l’opposition et de la société civile pourront y être » avait déclaré le ministre des Forces armées Sidiki Kaba, « pour que cette commission puisse travailler en toute indépendance sur ce que les uns ou les autres ont eu à faire. » Dans le mémorandum de 24 pages publié par le gouvernement sur les évènements, il s’était blanchi en défendant avec hargne sa gestion de la crise : « L’État du Sénégal, de par la solidité de ses institutions, a fait montre d’une attitude exemplaire. En effet, à aucun moment instruction n’a été donnée de tirer sur les manifestants malgré les violences exercées sur les forces de l’ordre présentes sur le terrain et dans les casernes. » s’est-il justifié. Pour lui porter la réplique, le mouvement M2D n’avait pas tardé lui aussi à publier son mémorandum dans lequel il faisait porter le chapeau au gouvernement. Un gouvernement qui avait vite fait de tout mettre sur le dos de l’opposant Ousmane Sonko à travers les sorties du Garde des Sceaux et du ministre des Forces Armées. Après ce concert d’accusations et de contre accusations, rien a été fait pour éclairer la lanterne des populations. Deux ans après, non seulement rien de ce qui a été annoncé n’a été fait, mais ce qui s’est passé en 2021 s’est reproduit, en pire même pourrait-on dire car le nombre de morts a augmenté et des dégâts matériels à milliards ont encore été enregistrés et le chef de l’Etat a encore promis des enquêtes. Pourtant le 3 mars 2022 était commémoré le premier anniversaire de ces émeutes ; à cette occasion, les droits de l’hommiste Amnesty, Lsdh, et la Raddho constatant que les choses ne bougeaient pas, avaient exigé que justice se fasse dans les plus brefs délais. « Il n’y a plus de temps à perdre. La justice doit faire son travail en toute indépendance et rapidement pour établir les faits et les responsabilités et juger les éléments des forces de défense et de sécurité qui se sont rendus coupables d’utilisation excessive de la force et d’homicides illégaux » avait déclaré Seydi Gassama, directeur de la section Amnesty International au Sénégal. Malgré cette interpellation lancée par les droits de l’hommiste, les choses n’ont pas évolué. C’est pourquoi Seydi Gassama se dit déçu après l’annonce du chef de l’Etat de l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière sur les dernières manifestations. Selon le droit de l’hommiste, le président Sall devait mettre en place une commission indépendante composée de magistrats, d’avocats et autres pour que cette affaire soit élucidée et les responsabilités situées. Mais aujourd’hui il n’a aucun espoir quant à l’aboutissement de ces enquêtes annoncées.
SOURCE : TRIBUNE