SENEGAL La démocratie mal en point
SENEGAL
La démocratie mal en point
Jadis rayonnante, la démocratie sénégalaise est aujourd’hui mal en point. Elle souffre d’un hyper présidentialisme qui fait que, nanti de tous les pouvoir, le président agit selon sa convenance sans que personne ne trouve à dire. Aujourd’hui les pouvoirs qui sont censés protéger, arbitrer les conflits entre les citoyens et le pouvoir donnent l’impression de ne pas fonctionner normalement au grand dam des populations.
Par El Hassane SALL
Sommes-nous en démocratie ? Cette question mérite d’être posée car telle qu’elle est définie la démocratie signifie « forme de gouvernement dans laquelle la souveraineté appartient au peuple ». Mais telle que vécue dans notre pays, la démocratie semble être la forme de gouvernement dans laquelle la souveraineté appartient au chef et à ses affidés. Pourtant on nous a toujours appris que la démocratie, c’est la confrontation libre des idées, l’expression libre des opinions, l’égalité des droits, la liberté de la presse etc. Mais au vu de ce qui s’est passé dans le pays, etcontinue de s’y passer, il est difficile de ne pas donner raison à Jacques Chirac lorsqu’il soutenait que «la démocratie est un luxe pour les Africains ». De par leur comportement, nos dirigeants ont fini de trahir l’espoir de leur peuple et de le discréditer sur la scène internationale tellement ils sont attachés à leurs privilèges et réfractaires à toute forme de réforme pouvant aboutir à une vraie démocratie. Quand le vin est tiré, il faut le boire a-t-on coutume de dire. Le Sénégal se targue d’être un pays de démocratie, donc il faut que les Sénégalais soient conséquents envers eux-mêmes en ayant le courage d’assumer son choix quel qu’en soit le prix. Parce que quand on décide d’évoluer dans la cour des grands, on a plus le droit à l’erreur. Pour exemple, si les Sénégalais sont devenus plus exigeants envers leurs dirigeants, c’est parce qu’ils ont su réaliser deux grandes alternances saluées à travers le monde malgré les tensions et les risques de chaos auxquels ils ont fait face. Ces deux alternances ont permis au peuple sénégalais de retrouver sa dignité et sa fierté. Mais actuellement les Sénégalais sont à la recherche de ces acquis perdus. Et ce qui est le plus regrettable est que le Sénégal soulève des inquiétudes au niveau des partenaires à cause de la volonté prêtée au chef de l’Etat de briguer un troisième mandat dont lui-même disait qu’il n’y avait pas droit. Pourtant si les Sénégalais s’étaient tant battuspour faire évoluer les choses, ce n’était pas pour un changement d’hommes mais de système, de manière de faire. Mais le constat est que les hommes passent mais les mêmes tares demeurent. Le président continue toujours de concentrer tous les pouvoirs entre ses mains et les manipule à sa convenance. C’est pourquoi les Sénégalais avaient fondé beaucoup d’espoir sur Macky Sall, chantre de la rupture qui a été élu en 2012 pour approfondir les libertés acquises de haute lutte par le peuple sénégalais. Mais le triste constat est qu’il n’a pas été à la hauteur des attentes placées en lui. Car, non seulement il n’a pas comme ses prédécesseurs Abdou Diouf et Abdoulaye Wade cotisé pour faire prospérerles acquis démocratiques, il a au contraire beaucoup contribué à la régression de la démocratie sénégalaise qui faisait la fierté et la bonne réputation du peuple sénégalais. Concernant Abdou Diouf, l’histoire retiendra qu’il a été le père du multipartisme, il a été aussi le premier président Sénégalais à avoir élaboré un code électoral consensuel avec à la clé un ministre de l’intérieur neutre, ce qui a permis au Sénégal de connaître l’alternance. Abdoulaye Wade quant à lui a beaucoup apporté à l’avancement de la démocratie en tant qu’opposant d’abord ensuite en tant que président. C’est grâce à lui que l’isoloir, la présentation de la carte d’identité, l’encre indélébile etc. sont devenus obligatoires, il a aussi beaucoup contribué au pluralisme médiatique avec l’attribution de fréquence télé à certains patrons de presse, la constitutionnalisation de la marche, c’est encore lui. Malheureusement on ne peut pas en dire de Macky Sall dont personneaujourd’hui ne peut citer une seule pierre qu’il a posée dans la construction de notre démocratie. Et actuellement il n’est pas exagéré de dire que Sénégal se trouve dans le lot des pays qui auront fait le plus grand bond en arrière en matière de gouvernance démocratique. Comme si cela ne suffisait pas, l’état des libertés est assez préoccupant au Sénégal. Les droits humains font l’objet d’atteintes récurrentes, des atteintes qui résultent d’une violence d’Etat retournée contre les opposants à travers des formes d’abus inacceptables dans un Etat de droit. Le régime passe son temps à traquer, intimider et embastiller les citoyens dont le seul tort est de se battre contre l’arbitraire. Au lieu de faire leur introspection et de se rectifier, les tenants actuels du régime sont prompts à monter au créneau pour parler de conservation des acquis démocratiques alors qu’ils sont les premiers à les fouler au pied. «Lorsque que le discours public ne sert plus qu’à masquer le vide de la pensée, à proférer avec aplomb des arguments spécieux, ou controuvés, à habiller d’une apparence de bon sens le déni de toute logique rationnelle, à rendre admirables et honorables des idées ignobles et méprisables, lorsque parler et écrire ne sont plus pour beaucoup, que des moyens, non pas de chercher vérité et justice, mais de séduire et de mentir aux autres comme à soi-même, bref quand le langage n’est plus que le véhicule d’une manipulation démagogique et un instrument de domination parmi d’autres mis au service des puissants par des doxosophes, de tout acabit, alors c’est une tâche primordiale pour ceux qui savent encore ce que parler veut dire et refusent de s’en laisser conter de mettre méthodiquement en lumière, le fonctionnement de la machine à abêtir.» Dixit Alain Accardo
SOURCE : TRIBUNE