J’adore ce pays… Par PMD

J’adore ce pays.
Vraiment, je l’adore.
Un pays où un voleur de téléphone, surpris en pleine rue, hurle son innocence… mais à quoi bon ?
La présomption d’innocence, ici, n’est qu’un luxe réservé à certains.
Le voleur de quartier est roué de coups, filmé, exposé, condamné sur place.
Pas besoin d’avocat, ni de procès, le peuple est juge et bourreau. Et ça applaudit fort.
J’adore ce pays.
Un pays où voler une chèvre vous fait passer pour un monstre, mais détourner des milliards vous transforme en bienfaiteur.
On vous trouvera toujours des circonstances atténuantes : “Au moins, il partage un peu…”
Quelques sacs de riz par-ci, un don pour un baptême par-là, et vous devenez un modèle.
Ici, le vol n’est pas jugé par sa gravité, mais par le standing de celui qui le commet.
J’adore ce pays.
Un pays où un jeune désœuvré, sans avenir, finit en prison pour un simple joint de chanvre indien.
Il ne faisait de mal à personne, il voulait juste oublier ses galères.
Mais ici, on ne soigne pas la douleur sociale. On l’enferme.
Il avait besoin d’écoute, de soutien, peut-être même de soins.
Il a eu des barreaux.
J’adore ce pays.
Ce pays où ceux qui ont censuré, suspendu, interdit, se réveillent un matin déguisés en démocrates.
Ceux-là mêmes qui ont coupé le signal de chaînes de télé, retiré des licences arbitrairement — c’est la Cour suprême qui le dit —
viennent aujourd’hui nous faire la morale sur la liberté d’expression.
Ceux qui ont jeté plus de 2 000 personnes en prison, souvent pour avoir osé s’exprimer, se découvrent soudain une passion pour l’État de droit.
L’amnésie est un art. Le cynisme, une école.
J’adore ce pays.
Un pays où les anciens bourreaux deviennent les nouveaux sauveurs.
Où les responsables des plus grandes injustices se reconvertissent en guides du peuple.
Un mot bien placé, un changement d’uniforme, une pirouette politique, et tout est oublié.
La mémoire populaire ici est une passoire. La conscience collective, un vague brouillard.
J’adore ce pays.
Un pays où tout le monde te dira : “Non, ce n’est pas bien de parler de la vie des gens…”
Mais ce sont ces mêmes personnes qui accourent pour commenter, rire et partager dès qu’il s’agit de salir un visage populaire.
Parce qu’ici, réussir est presque un péché.
On te pardonne ton échec, mais on ne te pardonnera jamais ton succès.
J’adore ce pays.
Parce que même au cœur du chaos, il reste quelques lumières.
Des voix libres. Des esprits brillants.
Des femmes et des hommes intègres, patriotes, courageux, qui n’ont pas vendu leur parole.
Ce sont eux qui empêchent le désespoir total.
Ce sont eux qui nous rappellent que tout n’est pas perdu. Que la tendance peut changer.
Et que l’histoire ne s’écrit pas seulement avec les puissants, mais aussi avec les résistants.
Oui, j’adore ce pays.
Pas pour ce qu’il est aujourd’hui, mais pour ce qu’il peut encore devenir.
PMD